jeudi 3 septembre 2009

Le Grand Tintamarre

par John Mark Hopkins, descendant de Jehan et Perrine Terriot.

J’ai visité Caraquet pour la première fois en 2005, et j’ai manqué le Grand Tintamarre parce que je ne savais même pas que cela existait. Pendant quatre ans j’en avais vu beaucoup de photos et de vidéos, et cette année j’allais certainement être présent le 15 août. J’aurais préféré n’être pas obligé de quitter notre conférence avant la deuxième session, mais les bruits et l’excitation du Boulevard St.-Pierre m’attiraient. (Cliquez sur les photos pour agrandir.)

Normalement il faut compter presque une heure de route entre Bathurst et Caraquet, mais ce jour-là n’était pas comme tous les autres. Toutes les prédictions annonçaient une foule record et la circulation affreuse ; on m’a dit que le trajet prenait jusqu’à trois heures s’il s’agissait d’un 15 août « normal ». Cette année il ne s’agissait pas que du Tintamarre ; il y avait aussi le Congrès Mondial Acadien et en plus le fait que c’était un très beau samedi—plus de trois heures, on me disait. Je suis allé chercher des conseils chez le GRC, mais ils étaient plus optimistes que je n’aurais cru. « 15-30 minutes de plus », m’ont-ils dit, et je pourrais même rentrer à l’Hôtel Paulin sans aucune difficulté. Il y aurait une déviation, mais la rue devant le Paulin resterait ouverte.

J’ai décidé de me préparer pour le pire des cas et partir de bonne heure, et on avait même apporté nos hardes deTintamarre dans le cas où ils ne laissaient pas passer le traffic. En fait le premier embouteillage qu’on a rencontré était à Grande-Anse, et même après cela ce n’était pas grave. On est arrivé au Paulin en 90 minutes, et il restait même une place dans le stationnement pour notre char.

L’ambiance à Caraquet était électrique. Les drapeaux acadiens étaient déjà partout depuis deux semaines, mais c’était différent le jour du 15. C’était le jour que tout le monde attendait, et ils portaient tous leurs couleurs acadiennes : simples T-shirts, peinture corporelle, costumes très élaborés. On voyait des individus en costume, mais également du monde déguisé en groupe et en famille.


Le Grand Tintamarre même n’allait commencer qu’à 18h00, mais tout le monde était déjà en train de fêter bien avant notre arrivée. La rue était remplie d’Acadiens ; nous sommes allés d’abord à la Place du Vieux Couvent pour voir les artistes, et c’était les Frères Michot de la Louisiane. C’était de la musique traditionnelle cadienne—violon, accordéon et guitare.

Un couple cadien a commencé à danser, puis deux et puis voilà une douzaine de Cadiens en train de danser aux rythmes des Frères Michot. L’une des femmes portait le drapeau acadien des Louisianais en châle , et c’était très émouvant à voir. Les Cadiens étaient rentrés en Acadie après deux siècles et demi, et la musique qu’ils ont apportée était une merveille !

Aux kiosques de nourriture ils vendaient tout—des ployes et du gumbo—et la grande scène pour le spectacle du soir était déjà montée. La rue devenait de plus en plus remplie de monde ; des participants arrivaient de toutes les directions mais personne ne partait.

La rue semblait avoir atteint sa capacité maximum au début du Tintamarre à 18h00. Quant au niveau du bruit, je ne m’attendais pas à beaucoup de différence après 18h00 car il y avait déjà beaucoup de bruit, mais j’avais tort. Il y avait toute sorte de bruiteurs : klaxons de bateau, sirènes d’ambulance, cloches à vache. Si on pouvait faire du bruit avec on y avait déjà pensé. (Nous avions de gros sifflets en plastique peints aux couleurs acadiennes.)

Je me suis rendu compte que cette foule n’était pas immobile mais était plutôt en train de circuler ; il était impossible de traverser la rue, mais il y avait des courants de corps vivants qui allaient d’un point vers un autre ; il n’était pourtant pas possible de savoir où ces courants menaient. Il semblait exister un défilé, mais pas question d’une procession ordonnée de chars. On a vu passer un bateau fantôme dont l’équipage était entièrement peint en blanc, et après le bateau la famille Mourant a passé lentement, leur représentant allongé sur un grand lit pendant qu’une équipe de médecins et d’infirmières essayaient de le ranimer (moi, j’étais toujours en train de me demander comment « Mourant » est devenu un nom de famille).

À 19h00 tout le bruit a soudain diminué et la foule a commencé à se disperser. Quel était le but de tout ça ? Y avait-il un sens plus profond à ce cri primitif collectif ? Était-ce pour rappeler aux autres que les Acadiens sont toujours là ? Était-ce une manifestation de la fierté acadienne ? Peut-être qu’il y a un sens plus profond, et peut-être que ce n’est qu’une excuse pour une grande fête.

Selon l’édition du 17 août de l’Acadie Nouvelle il y avait 50.000 participants au Grand Tintamarre. Ce n’était pas seulement le plus grand Tintamarre jamais, c’était aussi du plus grand nombre d’Acadiens jamais rassemblés. Sens profond ou pas, nous étions très impressionnés et c’était le fun !

L'auteur de cette article est John Mark Hopkins, un descendant de Jehan Terriot.